[CR] Mystères à Whitby

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Baaldum Dhum
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Re: [CR] Mystères à Whitby

Message par Baaldum Dhum »

Quel suspens !!! Encore toutes mes félicitations pour la plume et le récit
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Olivier.Legrand
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Re: [CR] Mystères à Whitby

Message par Olivier.Legrand »

J'ai effectivement beaucoup de chance d'avoir Laurent comme joueur et comme chroniqueur de notre série.

En attendant la suite et la fin de son CR pour cet épisode, un petit intermède sur Rose. Il s'agit du prologue écrit que j'ai donné à sa joueuse au début du scénario et qui s'insère à peu près parfaitement à ce point du récit.



Le temps passe et je ne dois pas devenir folle.

Le temps passe et je ne dois pas devenir folle.

Le temps passe et je ne dois pas devenir folle.

Voici exactement treize jours que tu as rejoint, avec Sheree, les Wabashanee.

Treize jours seulement – et c’est déjà une nouvelle vie, avec son rythme, ses habitudes, ses couleurs et ses rituels.

Parfois, tu te demandes si les choses vont rester ainsi, jusqu’à la fin. Si tu vas finir ta vie ici, voir Sheree grandir, les années passer. Elle aura 29 ans en 1900 – et toi exactement 50. Quand ce genre de calculs absurdes et mortifères commence à tourner en boucle dans ton esprit, tu te mets à appeler Mike, en silence, à crier psychiquement de toutes tes forces pour qu’il t’entende, pour te dire que OUI, vous allez vous revoir un jour…

Tu essaies désespérément de ne pas penser à 2024. Aux téléphones portables, à la télé, aux bagnoles, à ces 140 ans d’histoire qui t’ont été volés.

Heureusement (?), la forêt semble faciliter activement ce genre d’oubli. Comme si elle savait.

Anang veille sur toi et sur Sheree avec toute la sollicitude d’une sœur ainée. Toujours d’humeur égale, elle ne semble s’étonner de rien.

La semaine dernière, elle t’a appris que des hommes blancs armés rôdaient dans les bois, sans doute ce fameux clan Halloran qui semble tenir Whitby dans les années 1880… dans ce qui est pour l’instant (désormais ?) ton putain de présent.

Hier soir, Keme a eu une vision. Parfois, les shamans comme lui reçoivent des messages de leurs ancêtres – du moins c’est ce que les Wabashani croient. Ce n’était donc pas la première fois… mais à la grande surprise de Keme, cette fois, quelque chose était différent. Le message venait d’un de ses descendants.

WAIT AND SEE…
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Olivier.Legrand
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Re: [CR] Mystères à Whitby

Message par Olivier.Legrand »

(suite et fin de l'épisode...)

Journal de Mike Beckman

Rose comprit alors que j’étais là et je m’assis près d’elle. A quelque distance de là, un groupe d’hommes en armes poussaient de grands cris : quelque chose se préparait.

Le jeune chamane était Keme, l’ancêtre de Willie. Sa sœur, Anang, traduisait ses paroles sans me voir. Il avait compris que son lointain descendant m’avait guidé jusqu’ici et qu’il se tenait à la lisière. Avec son aide, il allait préparer le rituel qui permettrait à Rose de repartir. Willie nous attendait dans la maison à la lisière. Je hochai la tête.

Quelque chose dans mon esprit refusait de croire ce qui se passait sous mes yeux : ça ne pouvait être qu’un rêve. Mais autour du cou de Rose et de Sheree, pendait un dreamcatcher rappelant ceux confectionnés par Willie. Tout cela était vraiment en train de se passer… ou s’était déjà passé. J’observai tout ce qui se passait autour de moi. A ce moment, un guerrier wabashanee quitta le cercle et avança droit vers moi. Lui aussi m’avait vu. Dans son regard se lisait une rage froide et une folie mal contenue. Hurlant quelques mots, il brandit son tomahawk et me frappa avec. Je ne pus m’empêcher de crier quand la lame traversa mon fetch sans lui causer le moindre dommage. Il haussa ensuite les épaules, satisfait et partit en riant rejoindre ses guerriers : je compris que j’avais disparu de sa vision.

Je me tournai vers Rose : elle était en discussion avec un autre homme de grande taille. Il s’agissait d’Elias Crane. Je me souvenais de ce nom. Abigail avait épousé un certain Joseph Crane. Etions-nous liés par le sang, au-delà du temps ? Crane livrait ses craintes à Rose : les Wabashanee étaient sur le sentier de la guerre. Une expédition montée par les Haloran se préparait et un bain de sang était inévitable. Cela aurait lieu dès l’aube. Nous devions repartir avant.

Le jeune Keme s’était retiré dans son tipi pour préparer le rituel. Rose s’assit face à lui, Sheree toujours blottie contre elle. Anang commença à frapper un petit tambourg, tandis que je m’installai au centre. Keme était en transe et cessa de psalmodier quand Rose s’assit. Il avait eu une vision d’un ennemi. L’homme sans couleur était tout près. Je frémis : le Hat Man, encore lui.
A chaque coup sur le tambour, la réalité s’atténuait doucement. Bientôt, le monde extérieur disparut autour de nous. Dans les bras de Rose, Sheree perdit conscience. Anang tendit le bras et désigna un point, au loin, là où se trouvait l’entrée du tipi. Il n’y avait plus qu’une trouée noire, au fond de laquelle nous distinguâmes la cabane d’Abigail. J’entraînai Rose dans cette direction et nous quittâmes les Wabashanee.

Le pont ne tiendrait pas longtemps. Il s’étirait entre Keme et Willie, je le savais. J’ignore combien de temps dura la traversée mais, quand nous entrâmes dans la maison, il n’y avait rien derrière nous.

Ils étaient là, tous deux. Willie et Abigail, sous leur forme de fetch.

Je compris vite qu’ils mettaient toute leur énergie à maintenir le lieu en état. Je voulus me saisir du livre qui m’attendait toujours, mais l’enfer se déchaîna.

Les portes volèrent en éclat, tandis qu’un nuage noir entra dans la pièce et prit rapidement la forme du Hat Man, l’homme sans couleur. Je reconnus son visage.

Delacroix. Le médecin de mon cauchemar. Le serviteur du Moharahani.

C’était moi qu’il visait.

Son bras s’étendit dans ma direction.

La cabane se désagrégeait, une tempête noire la déchiquetait pierre par pierre.

Puis nous avons commençait à tomber dans les ténèbres, saisis par la tornade. Sheree hurlait.

Rose gémit : le Wendigo était là, prêt à la saisir. Ses terreurs les plus profondes prenaient corps dans la tempête.

Nous tombions encore.

Puis Rose atterrit et tout s’arrêta.

Des voix, que nous connaissions. Raven, Luke, Jess…

Nous étions chez moi, dans une des chambres de la maison de Whitby, en 2024.

Willie était là aussi, assis dans un fauteuil, immobile. Rose comprit tout de suite.

Je me précipitai vers lui, suivi par Raven. Il était mort.

Mon ami, mon mentor, le « grand chef » de mon enfance, avait donné sa vie pour nous sauver.

Dans les bras l’un de l’autre, Raven et moi avons pleuré en silence, sans nous rendre compte que le reste du groupe était sorti de la pièce pour nous laisser à notre chagrin.

Nous étions le 6 novembre 2024, il y a quelques jours. Je suis resté inconscient une semaine, selon Raven.
Je ne me rappelle plus de tout ce qui s’est passé alors.

Jess a appelé les urgences pour signaler le décès de William Lowry, victime d’une crise cardiaque. Elle a ensuite emmené Rose et Sheree dans mon cabanon, pour qu’elles ne soient pas vues : leur disparition datait d’une semaine, déjà. L’adjoint Bob Campbell est arrivé, tiré du sommeil par Jess, et a découvert que Rose était encore en vie. Elle lui a tout raconté. TOUT. Il a réfléchi puis a hoché la tête.

- Maintenant, il va falloir expliquer votre réapparition, cheffe.

Le lendemain, à l’aube, Bob Campbell, mû par un instinct de flic, décida d’utiliser Molly, la chienne de Rose, pour explorer les bois proches de la casse, en quête d’une piste. Bien lui en prit car il découvrit le town marshal et la petite Sheree Berry, épuisées, crasseuses, mais en vie.

Quand l’incendie avait éclaté à la casse auto, Rose Wu avait été contrainte de fuir vers les bois, en pleine nuit, mais avait fait une mauvaise chute et s’était évanouie. A son réveil, elle était désorientée et s’était perdue. Son téléphone et son arme de service avaient disparu et, sans le flair de Molly et la ténacité de Bob Campbell, elles auraient sans doute péri à quelques kilomètres de Whitby.

En quelques heures, la nouvelle fit le tour de Whitby, dépassant même les frontières de l’état et Rose devint une célébrité locale. La « Whitby cop » tenait sa revanche. On se bousculait pour l’interviewer et elle déclina plusieurs propositions qui l’auraient mise sous le feu des projecteurs.

Sheree Berry s’en tint à la version officielle : entre elle et Rose, c’était un genre de secret inviolable qui les unissait.

Nous nous sommes retrouvés pour les funérailles de Willie. Mon vieil ami avait tout prévu. Il avait choisi d’être inhumé dans une parcelle boisée. Je mis quelques instants à reconnaître le lieu où vivait autrefois sa grand-mère, Tayahee, reposant également ici. Quatre jours durant, un feu fut entretenu et nous nous relayâmes pour parler de ce grand homme.

Willie avait légué toute sa fortune à Raven, ainsi que la moitié du Wabash Lodge, l’autre moitié me revenant. Rose reçut un portefeuille d’actions qui pouvait la mettre à l’abri du besoin durant un bon bout de temps.

Un legs était réservé à la municipalité. Un jour, Willie aura droit à une plaque en sa mémoire, sans doute devant la Middle School.

Il me manque terriblement.

Whitby, 13 novembre 2024

Je reprends mes recherches et épluche page après page le vieux livre qui a traversé les décennies, rapporté par Sondra, il y a une éternité de cela. J’y trouverai peut-être la clé qui nous manque.

En enquêtant sur l’histoire de Whitby, j’ai trouvé mention d’une expédition menée par le clan Haloran contre les Wabashanees, en 1884. On dénombra ce jour-là deux morts : Douglas Halloran, le town marshal de l’époque et Makwan-le-fou, le chef de la tribu, qui vivait depuis quelques lunes avec une balle dans la tête. Celui qui m’avait vu, cette nuit-là, avant de partir sur le sentier de la guerre.

Pendant que nous traversions le temps et les cauchemars, l’Amérique est elle aussi entrée dans une autre dimension, en se choisissant un nouveau Président. Une des premières conséquences fut l’arrêt annoncé des subventions qui alimentaient Amblin House. Rose et moi avons décidé de créer une fondation qui financera cet établissement, condamné à la fermeture.

La guerre qui s’annonce nous a pris trop d’êtres chers.

J’en viens à douter : la victoire est-elle possible ? Whitby pourra-t-elle dormir en paix un jour ?

L’ultime bataille est pour bientôt, je le sais.

Je vais devoir affronter Delacroix et son maître, le Moharani.

J’ignore si j’en sortirai mais, s’il le faut, je donnerai ma vie pour celles et ceux qui vivent à Whitby.
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