Petit préambule : grand amateur de séries télévisées, je fais partie de ceux qui déplorent régulièrement le manque de qualité, d'ambition ou de créativité des séries françaises... et qui, jusqu'à aujourd'hui, pensaient ne jamais voir un jour de série française fantastique de qualité (et encore moins dans le genre sword & sorcery

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Eh bien aujourd'hui, je mange publiquement mon chapeau car je suis en train de visionner une véritable pépite : la série Netflix NERO, avec Pio Marmaï dans le rôle titre et plein d'autres excellents acteurs, dont l'immense Olivier Gourmet (eh oui). Il y a huit épisodes et, pour l'instant, j'en ai visionné quatre... donc à moins d'un gros dérapage dans le nawak en seconde moitié de saison, on se dirige, à mon sens, vers une réussite magistrale.
Alors de quoi ça parle (sans déflorer) ? Des mésaventures d'un assassin professionnel, Néro, sur fond d'intrigues politiques, de prophéties apocalyptiques et de fléaux divers (sécheresse, famine, etc.). L'ambiance est résolument picaresque - pour l'instant, j'ai l'impression de suivre une chronique d'
Epées & Voleurs (autopromotion éhontée), impression qu'aucune série anglosaxonne (ou autre) ne m'avait jusqu'ici procurée.
L'univers de la série est aussi simple qu'ingénieux : on est dans une sorte de renaissance / début de 16ème siècle évoquant le sud de la France, avec des éléments historiques qui parleront à tout le monde (présence de l'église, avec les croix, les écritures et tout le toutim) mais aussi des éléments fictifs, qui permettent au scénario de s'affranchir de toute historicité (ainsi, les principales cités mentionnées se nomment Ségur et Lamartine).
Bref, vous l'aurez compris, c'est une UCHRONIE, ce qui permet aux scénaristes de jouer à fond sur certaines ambiances bien connues sans jamais tomber dans le cours d'histoire (ou l'exposition indigeste de background). Sur ce point précis, ça rappelle un peu l'excellente approche du Grümph dans son jdr de cape et d'épée Mordious.
Les costumes sont parfaits, les décors très réussis... rien ne fait "toc" (ce qui est trop souvent le cas dans les séries en costumes françaises quand on y regarde de trop près). Les grands paysages désolés écrasés de chaleur ajoutent un petit côté "western spaghetti" qui fonctionne parfaitement (et que souligne parfois discrètement la musique).
Les scènes de combat sont très bien réglées, avec des manoeuvres rapides et meurtrières. Les éléments fantastiques sont utilisés avec parcimonie mais jamais de façon anecdotique - et même la prophétie (fictive) qui est au coeur de l'intrigue "tient la route", sur le plan de l'imaginaire théologique.
Les acteurs sont tous excellents (vraiment)... avec des dialogues qui méritent une mention particulière. Les auteurs n'ont pas cherché à les rendre archaïques; les personnages parlent plutôt comme tout le monde (enfin sauf les nobles, bien sûr mais même eux n'essaient pas de "jargonner médiéval")... et ça fonctionne parce que c'est hyper-bien dosé. Ca ne sombre jamais dans le pseudo-parodique qui loucherait trop du côté de
Kaamelott mais ça donne à l'ensemble des dialogues un côté crédible, familier (dans tous les sens du terme) - si on est un peu surpris au début, très vite on se laisse porter et on ne "tique" jamais à cause d'une formule qui semblerait vraiment trop moderne, même si les auteurs flirtent parfois volontairement avec la limite (excellent passage où le 'héros', vexé par un commentaire désobligeant qui le vise, rétorque que "c'est un peu réducteur").
A mes yeux, c'est la première vraie série de sword & sorcery picaresque... et, ô surprise, elle est française. Et surprise derechef, c'est (pour l'instant) une grande réussite.
Je dirais donc : à voir absolument !