Manduka, les terres noires.
Historique.
Il y a près de mille ans, les hauts-elfes de l’archipel des Vestiges passèrent un pacte de sang avec les génies du plan élémentaire du feu, les puissants éfrits de la Cité d’Airain.
En échange d’une maîtrise absolue de la pyromancie, les princes elfes s’engagèrent à offrir quotidiennement des âmes en sacrifice au Prince des Cendres, le seigneur de tous les éfrits. De plus, ils eurent pour seconde obligation d’ouvrir de grands portails planaires à chaque solstice afin de livrer de nombreux esclaves mortels aux bons soins de l’aristocratie de la Cité d’Airain
Si les terribles conditions de ce pacte se révélèrent difficiles à assumer, elles le furent surtout pour les peuplades voisines de l’archipel : la nation elfique, tout à la fois ivre de puissance et en demande perpétuelle de nouvelles populations à soumettre, se lança dans une politique de conquête systématique des territoires environnants.
L’Empire Ecarlate était né.
Bien des siècles plus tard, quand les généraux hauts-elfes jetèrent leur dévolu sur les terres de Manduka, l’Empire était à son apogée, dominant près de la moitié du monde connu.
Manduka était un continent luxuriant, riche de dizaines de cultures tribales, et sur lequel la magie shamanique, celle des Bêtes, des Esprits et du Vert, était puissante. Mais nul clan n’était assez important pour s’opposer aux vastes troupes de l’Empire, et le Vert se carbonisait au contact de la magie des Flammes : la terrible avancée des armées écarlates semblait vouée à se perpétuer encore et encore.
Pour célébrer cette prestigieuse conquête, les princes elfiques d’Ariadne, la ville impériale nouvellement fondée sur la côte est de Manduka, décidèrent d’offrir un cadeau défiant toute mesure à leur Empereur, Saeros Orgol II. Ainsi, il leur fallu plus d’un an pour pister, traquer et abattre le Grand Oliphant de Manduka, la bête mythique des terres noires. De son ivoire ils façonnèrent alors un vaste trône qu’ils envoyèrent à la capitale de l’Empire, au cœur de l’archipel des Vestiges.
Mais ce geste d’une arrogance absolue se révéla être le pas décisif vers l’abîme pour l’empire comme pour la race des hauts-elfes. Car l’Oliphant était un Premier-Né, l’un des enfants chéris de forces cosmiques et telluriques si anciennes que même la naissance de la race elfique leur paraissait jeune.
Tuer l’Oliphant s’était s’attaquer à la chair et aux os du continent de Manduka, s’attirer l’ire de la nature elle-même.
Sur tout le continent l’énergie du Vert se mit à croître. Ainsi les pouvoirs des shamans et des guerriers-totems furent renforcés, de grandes forêts émergèrent des hordes de créatures végétales dominées par la haine de la pierre et du métal, on vit apparaître à nouveau les légendaires Seigneurs des Bêtes, deux à trois fois plus grands que leurs congénères et capables de parler la langue des hommes, mais aussi les mystérieux Djinns d’Emeraude aux yeux de chats et aux cheveux d’herbe. Autant de nouveaux adversaires pour la civilisation impériale dont les armées furent rudement éprouvées.
Mais plus que la violence de ses nouveaux hérauts, c’est l’ultime malédiction de la nature qui mit l’empire à genoux : car à l’instant même ou l’empereur Saéros prit place sur son Trône d’Ivoire, le Trône d’Orgol, la race haut-elfe toute entière fut affligée de stérilité.
Et s’il fallut aux Princes Ecarlates, si fiers de leur pouvoir et de leur spécificités, quelques années pour réaliser pleinement l’étendue du fléau qui allait les traîner dans l’oubli, il leur fallu encore plus de temps et toute leur science alchimique pour trouver, et accepter, une façon amère de contourner la malédiction…
Sous l’influence de certains élixirs, les seigneurs elfes furent en effet capables de mêler leur sang bleu au sang rouge des humains… Ce qu’ils firent tous plutôt que d’accepter la chute de leur civilisation.
Mais le Pacte des Flammes était un pacte de sang, et à chaque génération la magie du feu s’affaiblit chez les demi-elfes qui constituèrent progressivement l’essentiel de l’aristocratie de l’empire : si les salamandres et les dracs se révélèrent encore dociles, il devint beaucoup plus compliqué, et dangereux, d’imposer une quelconque autorité aux terribles Azis, les grands serpents ailés cracheurs de feu qui constituaient les troupes d’élite de l’empire. De même, l’ouverture biannuelle de portails planaires à destination de la Cité d’Airain, condition sin équa non au maintient du pacte, s’avéra de plus en plus délicate et coûteuse en ressources mystiques.
Affaiblit, rongé de l’intérieur, l’empire écarlate s’effondra doucement et aujourd’hui seules quelques uns de ses plus vastes citées demeurent, assaillies de toute part à la fois par leurs anciens vassaux et par les forces du Vert.