Cryoban a écrit : ↑dim. avr. 23, 2023 10:38 am
WolfRider a écrit : ↑dim. avr. 23, 2023 7:24 am
Disons que les préjugés sur un Moyen Âge européen blanc de blanc sont dur à corriger.
Clairement, il en va de même avec d'autres points sociétaux, comme la place des femmes à travers l'Europe du moyen-âge, les Vikings (oui il y'avait des noirs chez les vikings, pas beaucoup certes, mais présent et certains furent même Jarl). Je suis toujours sidérés par le peu de choses qu'on sait réellement au point que parfois je me demande jusqu'où sont allé les opérations de réécriture de l'histoire menées par les différentes autorités au cours des siècles (dont principalement l'église romaine)
À mon avis et en général (sachant qu'il faut se méfier des généralisations), ce n'est pas tant un Grand Complot qu'un mélange de plusieurs facteurs :
- l'ignorance. Moins on en sait, plus on est réduit à une vision de la réalité taillée à la machette. Ex. :
l'incapacité à distinguer les modèles de voitures. Mais ça peut donner lieu à des généralisations plus problématiques. Ex. : "Au Moyen âge il y a des gens blancs en Europe et des gens noirs en Afrique." Ou encore : "Dans l'empire romain il n'y avait pas d'Arabes, ce n'est pas la même culture." Plus on en sait sur un sujet, plus on peut nuancer les énoncés généraux. Exemple : "Tiens, en fait si, il y a eu
un type issu d'une famille romaine immigrée en Syrie qui est devenu empereur romain au IIIe siècle." Problème : les préjugés s'appuient sur cette conception simpliste de la réalité pour la changer en norme, ce qui aboutit à une pensée réductrice qui s'évertue à nier les nuances et rend la personne incapable d'apprendre.
- l'amour-propre présentiste : un certain orgueil nous conduit souvent à nous imaginer qu'on est bien plus intelligents et qu'on fait les choses mieux que nos ancêtres. Ex. : "nos ancêtres étaient racistes, maintenant on est plus intelligents". (Quand on ne fait pas ça, on a tendance à basculer dans l'extrême inverse, à savoir que c'était forcément mieux avant et que par rapport à nos aïeux on est des nouilles.)
- le discours de progrès : beaucoup de discours nous présentent les choses sous la forme d'un progrès linéaire de l'Histoire ("avant, certaines catégories de la population étaient exclues de certains métiers, mais maintenant c'est mieux"), alors que, malheureusement, la régression existe aussi. Nuances à apporter à cette idée : 1) ne pas confondre "discours de progrès" avec "réalité du progrès" (ce n'est pas parce que les gens - notamment les politiques - disent que les choses progressent qu'elles progressent réellement). 2) Contrairement à ce qu'imagine le fantasme de la "décadence" ou du "Moyen âge barbare", aucune époque n'est entièrement une époque de régression non plus : une époque peut être une époque de progrès dans certains domaines et
simultanément de régression dans d'autres.
- la perte de documents anciens. Il y a des tas de sources d'informations potentielles qui se sont perdues au fil des siècles. Moins on a de sources sur un sujet, moins on a de nuances et plus on reste ignorants. Cette perte de sources peut être due à un tas de facteurs : dégradation naturelle, recyclage, réemploi, destruction par mégarde ou bien délibérée dans des guerres... Les destructions délibérées de sources ne sont pas forcément si fréquentes (je serais curieux de lire des tentatives pour évaluer leur importance selon les époques). Mais elles peuvent arriver.
L'église romaine a pu contribuer à la destruction de sources par l'intermédiaire du pouvoir accordé aux moines copistes qui pouvaient choisir quels manuscrits recopier ou non. On a perdu des sources païennes comme ça. Il y a aussi eu des destructions de sources chrétiennes. Mais beaucoup de manuscrits se sont perdus aussi tout bêtement par manque d'entretien, parce que le parchemin ça pourrit. Un peu comme un fameux monument historique parisien qui a brûlé récemment faute d'un respect des normes de sécurité électrique. Ou le Musée national du Brésil,
détruit il y a cinq ans à cause d'un mauvais entretien de la clim'.
Bonus effet kiss cool : l'ignorance fait un super combo avec le manque d'entretien pour provoquer la perte de sources importantes ou rompre une chaîne de transmission du savoir : on ne peut pas entretenir correctement une chose dont on ignore l'importance et/ou la fragilité (coucou les fermetures d'options langues anciennes un peu partout).
Un article de Wikipédia sur les
pertes de manuscrits pendant l'Antiquité tardive. (À approfondir avec des bouquins pro, parce que par exemple l'article prend pour argent comptant les déclarations de Tzétzès sur le nombre de livres conservés dans la bibliothèque d'Alexandrie, alors qu'une partie des spécialistes considère que ces chiffres étaient exagérés.)